Born in Valhalla |Camélia

On pouvait dire que Nemhain s’était rapidement acclimaté à la vie dans le Haut Nexus.

Il n’en partageait pas encore tous les codes, certes, et de nombreuses personnes continuaient à le regarder de travers pour son apparence définitivement hors-normes dans les quartiers les plus aisés (ce qui était toujours mieux que lorsqu’on lui parlait comme s’il n’était rien d’autre qu’une peluche trop mignonne), mais c’était toujours mieux que là d’où il venait. Tout était mieux que l’insalubrité crasse dans laquelle il avait pataugé toute sa vie. Et puis viendrait le jour où il leur montrerait, enfin, à eux qui qui se moquaient de sa présence dans leur rang qu’il méritait sa place ici haut… qu’il valait bien mieux qu’eux.

Pour l’heure en revanche, il devait se contenter de prétendre ne pas remarquer les curieux qui ne se cachaient même pas pour l’observer, son visage à plumes ayant au moins le mérite de rendre ses expressions plus difficiles à décrypter pour qui n’y était pas habitué. La manière dont il déglutit son verre d’une traite, elle en revanche, ne dissimulait en rien l’agacement qu’il ressentait à cette idée.
La Völva avait privatisé le centre de Belbog pour une soirée d’entreprise à laquelle l’écurie de Nemhain avait également été invitée, puisqu’il s’agissait avant tout de motiver les troupes (et ravir les sponsors) pour le nouveau championnat à venir. Le jeune motorballer ne participait pas encore aux compétitions les plus prestigieuses mais il s’agissait également pour lui d’opportunités de se vendre pour les temps à venir ; le chemin pour devenir le nouveau champion de la ville n’était pas uniquement pavé de courses à remporter.

Il n’empêchait que ces évènements mettaient toujours ses nerfs à rude épreuve, encore trop mal à l’aise à son goût pour bien comprendre les différents jeux politiques qui étaient en ordre. Il savait à peu près à qui il fallait sourire, qui il fallait absolument amuser d’une anecdote bien placée, mais rien de tout ça n’avait jamais été son terrain de jeu de prédilection… et il craignait que le moindre faux pas ne le renvoie dans les bas quartiers sans passer par la case départ.
Au moins l’endroit de la réception, pour une fois, lui laissait tout loisir de se distraire entre deux conversations, après tout il n’avait encore jamais eu l’occasion de découvrir cet endroit… pour le moins surprenant.

Le centre était immense, divisé en plusieurs sections, mais s’ouvrait sur les jardins où étaient cultivées des fleurs qui n’existaient pas encore. Un dôme en verre servant de plafond laissait passer la lumière naturelle qui inondait du doux rayonnement lunaire les vastes allées de plantes en tous genres. Amusant comme, dans toute autre circonstance, ce paysage aurait laissé Nemhain complètement imperturbable, pourtant la vue avait actuellement le mérite de l’apaiser quelque peu.

Divisé en plusieurs espaces, sa déambulation dans le premier se passa tranquillement, jusqu’à ce qu’un nouveau prototype de gaz publicitaire ne décide de venir croiser son chemin. Une inspecte d’insecte volant à mi-chemin entre l’abeille et la sauterelle s’était fichue juste devant sa tête, et avant même qu’il ne puisse esquisser le moindre mouvement pour le dégager de sa route avait lâché un épais nuage rose qui avait foncé droit dans ses poumons. Résultat, quatre secondes après tout rond il s’était retrouvé sonné par une cohorte de publicités en tous genre hurlant à l’intérieur même de sa tête leurs slogans tous aussi débiles les uns que les autres pour des produits qui n’étaient même pas encore sortis -pire, qui n’étaient même pas encore viables !-.
Résultat : Un message prévenant que le Belbog n’était pas responsable des lésions futures possibles (après tout ils avaient tous signé une décharge en rentrant dans le centre) fut émis par l’un des haut-parleurs de l’abeille-sauterelle avant qu’elle ne s’en aille et un Nemhain sonné pendant quelques instants qui peinait à comprendre ce qu’il venait de lui arriver.

Le dernier slogan de publicité avait arrêté de répéter en boucle son accroche de vente, cependant Nemhain n’était pas encore défait des effets du gaz ; toussant des résidus de fumée rose. La tête lui tournait également, son cerveau peinant à faire le tri dans le surplus d’information qui venait de lui être bombardé. Foutu gadget.

- Hey Nemhain !

La voix qui l’alpaguait semblait encore distante, étouffée par les résidus de bruit qui vrombissaient encore à ses oreilles, tant qu’il peina à comprendre son origine ou même qu’elle s’adressait à lui. La main qui vint le taper entre les omoplates pour terminer d’annoncer sa présence manqua de lui faire perdre l’équilibre, mais elle eut le mérite de l’aider à reprendre ses esprits.
Et d’être une parfaite manière de savoir à qui il avait à faire ; David, un adepte martial qui semblait ne jamais avoir appris à mesurer sa force lors d’interactions plus courtoises.

« Salut Dave… »

Le salua-t-il d’une voix rauque –souvent jugée surprenante car bien trop grave pour son petit gabarit– en se retournant vers le couple, toujours quelque peu hagard. Quelle saloperie venait-il de respirer franchement ? Nemhain observa la femme qu’il lui présenta quelques secondes de trop pour être parfaitement poli, mais ses yeux recouvraient progressivement leur capacité normale de focalisation, avant de froncer des sourcils. Tout du moins, d’adopter l’expression qui lui était équivalente pour une personne qui n’en possédait pas.
David se rendait toujours aux évènements officiels avec une nouvelle personne accrochée à son bras, certaines qu’il payait, d’autres qu’il faisait miroiter avec la promesse de découvrir les merveilles de la Haute, mais celle-ci lui semblait familière. Etait-elle déjà venue avec lui ? Non, il mettait toujours un point d’honneur à ne jamais ramener la même compagnie deux fois. Et difficile de croire qu’elle fasse partie des officiels de La Völva si elle avait choisi de passer toute la nuit en sa compagnie. Non pas qu’il fut particulièrement un mauvais bougre mais disons… habituellement trop rustre pour les personnes qui préféraient compagnie plus raffinée.

« Ravissante, oui. Enchanté Alice. »

Répondit-il tandis qu’il attrapait la main qui lui était tendue, toujours dérangé par la façon que son collègue avait de parler des principales intéressées comme si elles ne pouvaient pas l’entendre. Alice, donc ? Le nom ne l’aidait pas plus à se souvenir d’où il pouvait bien la reconnaître, en même temps il sentait bien que ses pensées n’étaient toujours pas complètement claires.

« Ça devrait aller mieux d’ici une minute ou deux j’espère, le temps que les effets se dissipent. Un de leurs robots vient tout juste de me cracher du gaz au visage. »

Comme pour appuyer ses propos, il toussa deux nouvelles gerbes de fumée rosée.

« Désolé, les effets sont plutôt… indésirables.
- Ah ça, il paraît qu’ici on peut tomber sur des trucs avec des effets dantesques ! T’as eu droit à quoi toi ?
- De la pub, répondit le corbeau avec une grimace. Si au moins il devait subir ça pour passer un agréable moment, ç’aurait été plus acceptable. Des slogans qui t’hurlent directement dans la tête accompagnés de… Je sais pas trop, des sortes d’hallucinations je suppose. Pas franchement une expérience que je tenais à tout prix à vivre, j’espère que ce truc sortira jamais d’ici. »